Article « Violence(s) »

L’hypnothérapie pour aborder les empreintes de la violence dans la sexualité des femmes

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Article publié dans la revue Sexualités Humaine n°62 Juillet/Août / Septembre 2024

Par Géraldine GARON | Infirmière anesthésiste D.E, Hypnothérapeute, Sexothérapeute, thérapeute TLMR et formatrice à l’institut Mimethys.

Mon corps est une cage qu’on lui a fabriquée
Il a dit « amen » sans jamais pardonner
Je suis toujours à l’âge où je m’entends crier
Je résonne même quand ma bouche est fermée

En filigrane dans cette chanson de Jeanne Cherhal, on entend soumission,
force, souffrance, et le silence. Des mots qui tracent les contours du portrait
de la violence et de ses conséquences.


L’OMS définit la violence comme « la menace ou l’utilisation intentionnelle de
la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un
groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un
traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal développement
ou des privations. ».
Tous nous avons été, sommes ou serons concernés à des degrés variables par la
violence. Chez certains d’entre nous, elle laissera des traces.

Dans ce dossier de la commission CFHTB dédiée à la santé de la Femme, mes
propos seront centrés sur l’accompagnement des femmes violentées, sans pour
autant nier que de nombreux hommes sont eux aussi victimes. L’objet de cet
article est de mettre en évidence l’intérêt pour les sexothérapeutes d’être formés
à l’hypnose et aux thérapies s’y référant pour aborder les problématiques
complexes liées aux violences.

En sexothérapie, nous ne rencontrons pas uniquement des personnes bloquées
par des problématiques découlant de violences ; mais, parce qu’elle effracte le
lien humain, atteint la liberté et l’intégrité physique et morale, la violence est un
facteur majeur de troubles sexuels. En effet, dans un climat d’insécurité, la
personne se voit empêchée de développer la capacité à jouer avec la sexualité
dans une relation sécure à soi et à l’autre. Une femme qui vit dans un monde
relationnel violent voit sa confiance en elle, sa capacité d’ouverture à l’autre et
au monde s’étioler. La violence vient altérer la représentation que la personne a
d’elle-même en tant qu’être humain. Elle peut développer une aversion de son
corps, de sa façon d’être, de penser…


L’OMS définit la violence comme « la menace ou l’utilisation intentionnelle de
la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un
groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un
traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal développement
ou des privations. ».
Tous nous avons été, sommes ou serons concernés à des degrés variables par la
violence. Chez certains d’entre nous, elle laissera des traces.

Dans ce dossier de la commission CFHTB dédiée à la santé de la Femme, mes
propos seront centrés sur l’accompagnement des femmes violentées, sans pour
autant nier que de nombreux hommes sont eux aussi victimes. L’objet de cet
article est de mettre en évidence l’intérêt pour les sexothérapeutes d’être formés
à l’hypnose et aux thérapies s’y référant pour aborder les problématiques
complexes liées aux violences.

En sexothérapie, nous ne rencontrons pas uniquement des personnes bloquées
par des problématiques découlant de violences ; mais, parce qu’elle effracte le
lien humain, atteint la liberté et l’intégrité physique et morale, la violence est un
facteur majeur de troubles sexuels. En effet, dans un climat d’insécurité, la
personne se voit empêchée de développer la capacité à jouer avec la sexualité
dans une relation sécure à soi et à l’autre. Une femme qui vit dans un monde
relationnel violent voit sa confiance en elle, sa capacité d’ouverture à l’autre et
au monde s’étioler. La violence vient altérer la représentation que la personne a
d’elle-même en tant qu’être humain. Elle peut développer une aversion de son
corps, de sa façon d’être, de penser…

Selon le rapport de l’OMS sur la violence, des études « montrent que les femmes
maltraitées ont plus de difficultés à accéder à l’information et aux services, à
prendre part à la vie publique, à demander le soutien affectif d’amis et de
parents… Elles sont souvent rendues incapables de bien s’occuper d’elles-mêmes
et de leurs enfants… ».

Ainsi, la violence passe la barrière générationnelle et ses ressacs frappent sur
plusieurs générations. En effet, Le problème de la violence empêche le
développement sain de l’enfant. Par sain, on entend ici la capacité à explorer le
monde, les relations, en se sentant sécure, porté vers l’autonomie. Les
thérapeutes constateront les conséquences dans des problématiques
relationnelles et/ou sexuelles amenées par les patientes.

Comme le tableau ci-dessous le résume parfaitement, les violences subies
peuvent survenir à tout âge, être de nature physique, sexuelle, psychologique ou
liées à des négligences. Toutes les violences, qu’elles soient d’ordre sexuel ou
non, peuvent venir altérer la sexualité. Les femmes que nous rencontrons
peuvent avoir été directement victimes ou témoins d’actes violents, notamment
intrafamiliaux, ou développer des symptômes en lien avec une histoire
transgénérationnelle de la violence. S’il s’agit le plus fréquemment d’agression
interpersonnelles, la communauté comme la société peuvent être à l’origine ou
caution de la violence.

violence(s)

Laforest, J., Maurice, P. et Bouchard, L M. (dir.). (2018). Rapport québécois sur la violence et la santé. Montréal : Institut national de santé publique du Québec

Trauma contextuel/trauma complexe

La prise en charge de traumatismes dit contextuels, c’est à dire liés à un évènement unique dans un monde relationnel auparavant sécure, ne sera pas la même que celle de femmes ayant subi ou été témoin de multiples épisodes de violence. Ces traumas, dits complexes, ont pour conséquence la construction de relations au monde, à l’autre et à soi basées sur des actions perçues comme
dénuées d’intention, déshumanisées. Aussi, dans ce monde de la survie, les seuls « liens » rendus possibles seront des alliances contre un ennemi commun.

Les symptômes amenant à consulter sont polymorphes : vaginisme, anesthésie corporelle et /ou émotionnelle, dyspareunies, absence de désir, hypercontrôle, anorgasmie, chemsex… On peut également constater des manifestations de troubles de l’attachement dans la sexualité et les rapports affectifs (sexualité d’objectisation, recherche d’amour dans la multiplication des partenaires
sexuels, évitement de la relation sentimentale…).

Victime/vécu victimaire

La plupart du temps c’est à cause d’un symptôme que la rencontre avec un sexothérapeute se fait. Une personne victime nous parle rarement d’emblée de son vécu traumatique, en effet, la loi du « secret », la dissociation traumatique voire l’amnésie post-traumatique et la honte empêchent souvent la révélation. D’ailleurs, on peut distinguer « une victime », le plus souvent silencieuse quant au trauma ou le minorant « Il est arrivé bien pire à des tas de gens, moi c’est rien en comparaison. Mais je sens que ce rien m’empêche de me sentir libre, de vivre » pourra par exemple me dire Emmanuelle victime de maltraitances dans son enfance puis de viols d’une personne victime qui a adopté en retour une
posture victimaire, l’amenant à revendiquer de façon identitaire un statut de femme victime : « je ne peux exister qu’à travers cette place de victime ».

Explorer le contexte au-delà du symptôme, sans l’oublier pour autant.

Sexothérapeute, hypnothérapeute, formées à la thérapie narrative et à la thérapie des mondes relationnels (TLMR), je reçois régulièrement des patientes aux vécus jalonnés d’expériences de maltraitances. Leurs corps et leurs âmes sont meurtris et leurs représentations de la relation à
l’Autre, quel qu’il soit, sont teintées de méfiance. Dans cet accompagnement, en tant que thérapeute, j’avance à tous petits pas feutrés. Il s’agit de s’apprivoiser. De mettre en place les conditions pour se rencontrer. En s’appuyant sur des cas cliniques, nous allons explorer pourquoi se former à l’hypnose relationnelle est un atout indéniable pour cheminer avec ces patientes. Sous le nom hypnose
relationnelle, sont incluses la TLMR et la thérapie narrative qui intègrent les principes de l’hypnose Ericksonnienne.

Comme nous aurons l’occasion de l’observer à travers ces différentes rencontres, il s’agira d’explorer le contexte au-delà du symptôme, sans l’oublier pour autant. Chaque étape de la rencontre thérapeutique vise à replacer la patiente en tant qu’être humain, en possibilité de faire des choix pour elle-même. Nous verrons également comment ces approches hypnotiques abordent les liens
entre tous les aspects de ce que Merleau-Ponty nomme l’être-au-monde : les formes d’expression corporelles, cognitives, mentales et les liens entre ces dernières sont sans arrêt questionnés, explorés.

Tisser une relation de confiance

Très fréquemment le contexte de violence dans lequel la personne évolue ou a évolué va interférer dans la relation avec le thérapeute. Il n’est pas rare que les phénomènes de dissociation présents chez la personne s’installent chez le thérapeute et parfois le dialogue peine à s’installer. Au sein même du bureau du thérapeute, pourtant présumé un lieu sécure, en sous-main, la violence continue
son travail de fragilisation de la confiance dans le lien humain. “Certes une instance que nous nommons “Je” serait en train de parler, mais ce que l’on ne verrait pas, et ce qui aurait une énorme importance pour la compréhension de ce “Je », ce serait le vaste éventail de relations qui se
manifesteraient ici et maintenant sans être jamais spécifiquement identifiées, et que je représenterais sans pour autant les re-présenter” Gergen K. (2015).

Alors, oublions là les scripts hypnotiques, les choses préétablies, ils ne seront d’aucun secours, voire pourrons conforter la conception du monde relationnel traumatique de la patiente : « Une fois de plus ma singularité n’est pas perçue, une fois de plus, je ne suis pas vraiment écoutée, je suis considérée comme un objet ». L’hypnothérapie relationnelle, en nous enseignant les processus de résonance avec l’Autre, soi et le monde, nous permet de faire un pas de côté et d’entrer dans l’ici et maintenant de la rencontre d’humain à humain. « La relation de résonance, désigne sans aucun doute un phénomène
d’interaction dynamique entre le sujet et le monde, un rapport de fluidification et de contact revêtant un caractère processuel. Cela suggère que les rapports de résonance présupposent un ajustement rythmique réciproque et doivent satisfaire à des exigences spécifiques de synchronisation. » Rosa H. (2021).

Si les premières rencontres sont primordiales pour initier le processus, la confiance devrait être requestionnée régulièrement car plus le problème de la violence aura teinté le monde relationnel du patient, plus son ombre planera. D’une expérience d’accordage-désaccordage-réaccordage à l’autre, va pouvoir naître une relation sécure. Cette relation, faisant souvent exception dans le paysage relationnel des patientes violentées, deviendra un axe modélisant pour ouvrir vers d’autres relations sécures. En hypnothérapie relationnelle, thérapie développée sur le principe d’influences réciproques, on considère que la relation et donc la thérapie sont des co-constructions. Aussi, le thérapeute cherche à favoriser, par l’accordage des différentes enveloppes relationnelles, la coopération du patient dans le processus thérapeutique.
Pour ouvrir la possibilité de cet accordage relationnel, l’hypnothérapeute peut s’appuyer sur les 3 « O » d’Erickson : en transe d’observation, « observe ce qui se passe chez l’autre, chez toi et entre vous ». De cette observation dans une position méta et par le mimétisme intersubjectif, vont émerger les ajustements nécessaires à l’accordage avec la patiente.

Synchronisation mimétique
Dans cette approche, d’autant plus dans ces contextes de vécus traumatiques, le thérapeute est particulièrement vigilant à la synchronisation mimétique avec la personne :

  • Synchronisation corporelle (la distance entre les chaises, la direction du regard,
    la position des corps, le pacing respiratoire…)
  • Synchronisation para-verbale (le rythme, le ton de la voix, les silences…)
  • Synchronisation verbale (champs lexical congruent avec celui de la patiente,
    reformulation exacte de ses propos, rhétorique propre à l’hypnose, langage
    externalisant…).

    Dans un premier temps, ces processus revêtent un caractère un peu artificiel, puis la relation de confiance se tissant, de plus en plus de fluidité et de spontanéité entrent en jeu. Le questionnement du patient sur l’effet de tous ces « petits » ajustements, s’il peut le surprendre dans un premier temps, lui redonne une place de sujet, de partie prenante de la relation et de sa thérapie.

    Le travail avec l’espace : Fanny et les « tous petits riens »
    Je pense à Fanny avec qui nous venons de clore le suivi. Elle est venue me voir car elle entamait une nouvelle relation avec un homme. Au début de cette relation elle a ressenti du désir puis plus du tout, comme dans ses relations précédentes. Jusque-là, elle a subi la sexualité comme un « bout de bois » et souhaite de libérer de ses blocages. Fanny au cours de notre travail a pu faire des liens entre son rapport à l’Autre, à la sexualité et le fait qu’un problème l’amenait à penser « Je n’existe pas, je suis transparente aux yeux de tous ». On retrouve dans son vécu des violences intrafamiliales et par la suite une mère empêchée par la dépression de prendre soin de ses enfants. Fanny m’a rappelé à notre dernière consultation que nous avions commencé notre travail avec nos chaises à chaque bout de mon bureau. Elle m’a remercié de cette attention à son besoin de distance : « J’ai à ce moment-là ressenti beaucoup plus de sécurité. En même temps j’ai réalisé que je fonctionnais de cette manière de façon globale. Besoin d’être regardée et aimée et en même temps besoin de tenir à distance ». Elle a pu rire et dire « et voilà que maintenant, nous sommes assises à moins d’un mètre ! Et je me souviens la première fois que vous avez touché mon bras (toucher sécure proposé dans la TLMR), c’était très doux et enveloppant. »

    Ce témoignage très touchant m’a presque surprise : il portait en effet sur de « tous petits riens » et non par exemple sur les nombreux moments de révélation ou sur le travail de décontamination des effets de souvenirs traumatiques. C’est par le respect de là où en était Fanny lors de nos premières rencontres que le lien a pu se tisser. Ce travail d’accordage sur notre distance a également pu faire émerger la dissociation présente chez cette jeune femme : je veux être en relation et pourtant mon problème tient les autres à distance.

    En transe d’observation, j’ai pu laisser mon attention se porter sur mes sensations (battement de coeur très rapide, serrement dans la gorge), sur le langage du corps de Fanny (penché à l’opposé de ma direction, tendu, poings serrés, alors que sa voix, elle disait : « tout va bien », sur ce qui se passait entre nous (du malaise). Toutes ces informations m’ont amenée à déplacer ma chaise et à observer en retour l’effet sur moi, elle et nous. Toutes ces expériences se font finalement avec peu de mots. Il s’agit d’abord de prendre en compte le langage analogique car il traduit ce qui ne peut être mis en mots. Il met en scène l’implicite.


    Le travail avec le temps

    Dans ce processus d’accordage, le rythme revêt une importance particulière chez les femmes victimes. En effet, leurs traumatismes entraînent une dissociation. Elle peut se manifester par exemple par un corps « pétrifié », figé ou tout le temps dans l’agir, par un repli sur soi ou une anesthésie corporelle (…). Alors, il est fréquent que les informations utiles au travail thérapeutique se manifestent dans le corps et la pensée du thérapeute. Elles prennent la forme d’intuition, d’images, de sons, de pensées ou de sensations. Du fait de la neuroception, et l’intersubjectivité, quelque chose bloqué chez la patiente émerge chez le thérapeute. Le partage de ces informations nécessite toutefois d’être ajusté au rythme de la patiente, en effet cette intuition, suggestion, si elle vient trop tôt, n’aura aucun effet.


    La rencontre avec Noa

    Noa, 16 ans, m’est amenée par son père. C’est lui qui présente la situation de Noa, qui parle de ses inquiétudes à son sujet. Inquiétudes qui l’amènent à explorer régulièrement le corps de sa fille à la recherche de nouvelles traces de mutilation ou à fouiller dans son téléphone. Il me dit : « Ma fille aime les filles mais je sais qu’elle est à un âge où on se cherche et que rien n’est encore joué ». Il prend tout l’espace et fait un lien entre les mutilations et les choix sexuels de sa fille. Noa pose sur lui un regard à la fois distant et « de guetteur ».

    Lorsque nous nous retrouvons seules Noa parle très peu, de façon saccadée comme empêchée. Elle s’assoit en position de contrôle dans la pièce (au fond, face à la porte…). Ses cheveux pendent devant son visage, ses bijoux gothiques et ses vêtements amples noirs la camouflent à mon regard, que je prends soin de poser devant nous, en triangulation. Très vite elle affiche son orientation sexuelle, comme pour tester ma réaction et vérifier que je ne la jugerai pas. Elle me dit que tout va bien pour elle à part des « prises de tête » avec son ex-petite amie (elle accepte pour autant de continuer à venir me voir).

    Je ressens lors des séances suivantes une très grande pression « bienveillante » de la part de son père. Je le surprends même l’oreille collée à la porte du cabinet à la fin d’une de nos séances. Je sens que c’est une information importante à aborder avec Noa, pourtant je perçois qu’il faut attendre car je sens une grande protection de sa part sur les membres de sa famille. Nous avons d’ailleurs débuté nos échanges autour de la reconnexion à ses valeurs, comme la protection des êtres qui lui sont chers par exemple. Lors d’une de nos discussions autour de cette partie d’elle, nous avons pu halluciner dans une transe hypnotique et créatrice commune un “superhéros » avec sa cape. Cette image projetée devant nous a pu ensuite être explorée, avec son côté utile et son côté enfermant Noa dans l’idée qu’elle doit tout contrôler et faire passer les autres avant elle. Nous avons ainsi pu poser qu’en tant qu’enfant Noa n’est pas en mesure de protéger sa famille, car ce n’est pas le rôle d’un enfant.

    La confiance s’installant tout doucement, d’une séance à l’autre, nous avons abordé comment elle luttait contre le problème familial qui l’amenait à se mutiler. Ce problème a pu être externalisé sous la forme d’un aspirateur de vie. Après avoir exploré ce que cet aspirateur de vie amenait les membres de sa famille à faire (boire, se manquer de respect, se couper du monde extérieur, négliger les enfants…), ses effets relationnels, et les intentions de chacun, Noa a pu se positionner puis se connecter à des expériences ressources. Le souvenir d’une relation de confiance avec sa tante est réapparu.

    En thérapie du Lien et des mondes relationnels, la transe hypnotique permet de travailler avec les tiers. En faisant venir l’image de sa tante « comme si elle était là avec nous », Le regard d’amour porté sur Noa a pu être internalisé. Noa, à la fin de cette séance, pourra se projeter dans le futur et se voir transmettre la vie à un enfant avec qui elle pourra agir avec amour, comme sa tante. Ce travail connecte Noa à son « réservoir de ressources » et construit la confiance dans la relation humaine.

    Pendant ces séances très riches, une partie de moi ressent de plus en plus de confort dans la relation, confort que j’observe également chez Noa : son corps est assis plus au fond de la chaise, ses épaules sont plus relâchées, elle me regarde de temps en temps. Pourtant une autre partie de moi me signale que le problème « aspirateur de vie » continue d’être entretenu par le contexte et oeuvre sournoisement dans la vie et les relations de cette jeune fille. Mon plexus est comprimé, une boule dans la gorge vient parfois étrangler ma voix. En externalisant ce ressenti, qui prend la forme d’une grosse chaussure de militaire, Noa peut d’ailleurs me dire qu’elle ressent la même chose, que c’est habituel pour elle. Dans un premier temps, cette externalisation sert à nous accorder, à créer une espace de partage, lorsque la relation sera bien en place, ce processus nous servira pour travailler dans l’espace problème. Noa peut me dire « Dans la vie, Je ne suis pas Alone, je suis lonely » et si les mutilations ont cessé rapidement, son mal-être, lui la suit toujours. C’est seulement après avoir installé ces bases de sécurité, en respectant le rythme de Noa, qu’il a été possible avec son accord d’aller du côté de la problématique. La suite de la thérapie, avec l’accord de Noa, a pris la forme d’une thérapie familiale.


    La double dissociation protectrice de la transe hypnotique


    En termes d’indications de « techniques hypnotiques », il est important de distinguer le traitement de souvenirs traumatiques (traumas contextuels dans le cadre des SSPT) de celui des mondes relationnels traumatiques induits par la violence (traumas complexes).


    Travail indirect protecteur

    Toutefois, ces stratégies thérapeutiques reposent toutes sur la dissociation protectrice induite par la transe hypnotique. En effet, une « partie » du patient reste en sécurité assise à côté du thérapeute, et observe dans l’imaginaire partagé, avec le thérapeute « une autre partie d’elle en prise avec le problème ». Cette manière indirecte, décentrée d’aborder les sujets traumatiques est protectrice pour la patiente : elle fluidifie le processus d’accordage de la relation et installe une distance qui limite les abréactions.

    Contrairement aux représentations encore en vigueur de l’hypnose, dans ce type de travail, les yeux restent ouverts, les productions de la transe hypnotique (images, sons, scénario…) sont projetées sur « la scène imaginaire », zone de triangulation devant le patient et le thérapeute. On privilégiera le travail les yeux fermés lors des transes d’internalisation lorsque la personne sera dans un espace ressource préalablement exploré et densifié.


    Souvenirs traumatiques (traumas contextuels dans le cadre des SSPT)

    Les hypnothérapeutes utilisent volontiers la métaphore de l’écran de cinéma ou du train pour créer cette double ou triple dissociation protectrice. Il est souvent utile de questionner les attentes de la patiente quant à ce travail et de lui rappeler que ces images ne seront pas éliminées de sa mémoire mais qu’elles perdront leur pouvoir sur elle. Les deux personnes observent ensemble les images traumatiques sur « l’écran imaginaire ». Une partie du patient dans le fauteuil du cabinet, une partie au cinéma par exemple, une partie actrice du film en cours sur l’écran. Le travail thérapeutique porte alors sur l’effet des souvenirs traumatiques.


    Travail en TLMR sur la mise en scène du monde relationnel traumatique

    La thérapie du lien et des mondes relationnels est une aide précieuse pour aborder les traumas complexes. Autour d’une philosophie de l’être en lien, elle intègre l’hypnose, la thérapie narrative, les théories sur l’attachement, les thérapies systémiques (…). Elle permet d’explorer le trauma et ses effets, en sécurité, grâce, entre autres, à l’externalisation. Dans cette transe hypnotique partagée, il s’agit de rendre explicite l’implicite. Les coulisses du problème sont dévoilées : ce dernier perd ainsi son pouvoir sur la personne.

    Le questionnement sur le cercle intention/action/effet de toutes les parties de la mise en scène externalisée permet au patient et au thérapeute d’accéder à leurs intentions propres, à celles du monde traumatique dans lequel le patient est englué et aux interactions entre ces différentes intentions. Le travail mené par la patiente et le thérapeute vise à lever l’effet dissociatif du trauma afin de se reconnecter à la vie, donc aux relations. L’un des aspects de cette approche est également de quitter la représentation du « monstre » agresseur, de lui redonner une place d’humain afin de pouvoir sortir de son emprise. Ce cheminement ayant pour but de sortir d’une vision identitaire du problème et de modifier les perspectives de la personne. De cette manière, l’exploration des liens que la personne fait entre son histoire et sa sexualité d’aujourd’hui, permet au thérapeute de ne pas s’engouffrer dans les préjugés, de laisser la personne à une place de sujet.


    CONCLUSION
    L’hypnose et la reconnexion au corps féminin en relation Si tel est l’objectif de la personne, l’hypnothérapie relationnelle permet de franchir les obstacles à l’exploration ou à la mise en oeuvre des habiletés relationnelles, corporelles et émotionnelles nécessaires à une sexualité intrapersonnelle et/ou interpersonnelle épanouie. Lorsque le lien de confiance est solide et que la dissociation post-traumatique a été levée, le travail de réappropriation du « corps de femme » sera lui aussi grandement facilité par l’hypnose. Alors, les approches corporelles de la sexothérapie trouveront en l’hypnose relationnelle une facilitatrice pour accompagner vers de nouveaux apprentissages. En conclusion, nous avons abordé dans cet article l’intérêt pour les acteurs des soins psychiques de se former à l’hypnose relationnelle. N’oublions pas que les patientes violentées rencontrent aussi des soignants autour des traces physiques de la violence, et que dans ce cadre plus somatique, l’hypnose permettra de rendre la patiente actrice des soins et d’éviter de renforcer un vécu de maltraitance.

MOTS CLÉS : Violence, hypnose relationnelle, TLMR, Trauma contextuel, trauma complexe,
mondes relationnels traumatiques, relation humaine.

Bibliographie

WHITE M. (2009), Carte des pratiques narratives, Bruxelles, Le Germe Satas.
GERGEN K. et ELKAIM M. « Le « soi » en question : assemblages et voix multiples. Dialogue entre Kenneth Gergen et Mony Elkaïm », Résonances n°9, p. 12-27.
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BARDOT E., BARDOT V., ROY S. (2022), De l’htsma à la thérapie du Lien et des Mondes Relationnels, Bruxelles, Satas.
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de la violence dans le monde : résumé d’orientation. https://www.who.int/fr/publications-detail/WHO-NMH-NVI-14.2
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