Une démonstration d’HTSMA en psychosomatique

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Le Dr Bardot, Psychiatre et Pédopsychiatre à Nantes, développe depuis une quinzaine d’année, une pratique thérapeutique originale et efficace : l’HTSMA.

Il l’enseigne, avec une équipe de formateurs dont je fais partie, aux professionnels du soin et de la relation d’aide, à l’institut Mimethys de Nantes. On ne décline plus le sigle HTSMA aujourd’hui, tant sa signification initiale a évolué. En effet, il mettait en lien l’Hypnose, la Thérapie Stratégique et les Mouvements Alternatifs, mais comme vous allez le voir, la thérapie HTSMA dépasse largement aujourd’hui l’idée d’une conjonction de ces pratiques. Nous sommes dans une approche intégrative complète formant un tout dans lequel il y a plein de chemins possibles et de possibilités d’interventions, selon le développement du processus. Nous ne sommes donc pas dans une collection de techniques amenant des protocoles. Dans ce sens l’HTSMA a son propre modèle, qu’on pourrait appeler un non modèle puisque ce processus est premier dans un travail où on va s’intéresser aux interactions entre les éléments et les mondes relationnels.

En novembre 2017, lors d’un nouvel atelier thématique sur le thème de la psychosomatique, les stagiaires ont pu encore voir de manière très concrète la façon de travailler. Le Thérapeute « entre » dans le travail avec le patient, en l’interrogeant dans un premier temps afin de « réduire » le problème. Pour se faire, il reste au plus près de ce que dit le patient. Ce questionnement spécifique à l’HTSMA s’inspire à la fois des apports des thérapies brèves et d’une vision triangulaire des interactions : le cercle Intention, Action, Effets. Le thérapeute va utiliser les informations du corps, le verbal et le non verbal et ensuite l’imaginaire, qui fait le lien entre le mental et le corps, pour mettre en forme la problématique. Celle-ci va ainsi pouvoir être externalisée et traitée comme une scène imaginaire en trois dimensions.

Cette manière de faire induit une transe et active ainsi la bulle thérapeutique dans laquelle le Thérapeute et le Patient vont pouvoir suivre ensemble le processus qui se déroule dans la séance, lever les obstacles, et aboutir au final à une expérience d’unité. Ainsi donc, ce n’est pas seulement le corps et le mental du patient qui vont donner des informations, mais également celui du thérapeute. Parfois même, quand le patient est dissocié, c’est le thérapeute qui fait le travail à la place du patient car c’est lui qui a les informations.

Mieux que de longs discours, je vous propose de découvrir le script d’une démonstration car rien ne vaut l’expérience pour comprendre de manière très concrète la clinique de l’HTSMA !

Je remercie Patrick DAMGE, médecin Généraliste à côté de Marseille, qui a assisté à cet atelier et qui a scripté l’enregistrement de la démonstration. Et bien sûr, Je n’oublie pas Eric Bardot qui a modélisé cette pratique depuis maintenant une quinzaine d’années.

Je vous suggère de lire d’abord la démonstration en gras, sans les commentaires en italiques, afin d’en percevoir la fluidité. Et ensuite, vous pourrez la reprendre avec les commentaires qui se veulent pédagogiques, pour mieux comprendre ce qui se passe. Il s’agit d’une patiente qui présente un problème d’asthme récurrent.

  • Th : Thérapeute
  • P : Patient
  • MO : Mouvements oculaires devant les yeux du patient.

Tout ce qui est en gras indique ce qui se passe, les commentaires sont rajoutés entre parenthèses et en italiques.


Th : Qu’est-ce qui vous amène ?

P : Je souhaiterais être débarrassée de mon asthme, j’étais beaucoup mieux et depuis deux jours, je suis à nouveau pas confortable avec mes poumons alors que j’étais plutôt tranquille depuis plusieurs mois.

(Langage psy, elle parle de la relation avec ses poumons, si on était avec un langage médical elle viendrait sur indication et demanderait probablement de l’hypnose comme un médicament, et pourrait même demander en combien de séance puisque c’est une prescription)

Th : Alors, qu’est-ce qui se passe entre vos poumons et vous ?

P : Et bien, si je le savais, je ne serais pas là !

P : Que font vos poumons ? (Quand elle parle de ses poumons, il faut entendre que ses poumons agissent en dehors de son contrôle, que dans l’interaction entre poumons et P, c’est vide, d’un côté, il y a les poumons et de l’autre il y a P)

P : Ils spasment.

TH : Quand vos poumons spasment, quels sont les effets sur vous ? (quand il y a une action, on interroge soit sur les effets soit sur l’intention, en gardant à l’idée le cercle suivant : intention, action, effets)

P : Ca m’empêchent de bien respirer et ça limite mes activités.

Th : Ca fait quoi quand ça vous empêche de respirer ? (Empêcher n’est pas une réponse affirmative, en terme d’action)

P tousse (langage du corps, ce sont les poumons qui parlent, ils sont de plus en plus présents)

Th : Quand ça vous fait tousser, comment ça réagit ?

P : Là tout de suite ce n’est pas confortable (en montrant sa poitrine) et j’ai le cœur qui bat.

Th : Si ce n’est pas confortable, c’est quoi ? ((équivalent d’une induction hypnotique, le Th est en train de la focaliser de plus en plus)

P : C’est oppressant, j’ai le cœur qui bat.

Th : Le plus important, c’est l’oppression ou le cœur qui bat ? (Il y a plusieurs réponses en terme d’action, il faut faire préciser)

P : L’oppression.

Th : Comment l’oppression quand elle est présente, vous la vivez ?

P : Je la vis mal.

Th : Imaginons que ce mal prenne forme, quelle forme il prend là, devant nous? (on fait préciser, on peut obtenir une réponse sous forme d’une pensée, d’une image ou d’une sensation)

P : Une tâche noire goudronneuse.

(Si on n’avait pas une forme qu’on va pouvoir externaliser, on aurait pu prendre une autre voie : l’oppression étant une action, on peut la mettre en interaction avec une intention et ça donnerait ceci : « observez tout ce qui va se mettre en lien avec cette oppression ? »)

Th : Vous êtes capable de faire face ou vous avez besoin d’aide ? (à ce stade, il faut travailler l’attachement car la personne n’est pas en lien. Dans la problématique somatique la relation humaine est coupée. Le thérapeute va faire la moitié du chemin, c’est au patient de faire l’autre)

P : oui, je veux bien de votre aide parce que ce n’est pas du tout confortable, je me sens pas bien.

(Il faut bétonner et évaluer la perturbation sur une échelle, car il faut que cette tâche noire soit vraiment une réalité devant elle sinon, ça risque de rester dans le mental)

Th : Quand vous dites que vous vous sentez mal avec cette tâche noire, on va faire venir l’oppression sous forme de tâche noire goudronneuse et quand elle là cette tâche noire goudronneuse, ça réagit comment, 10 est le maximum de perturbation et 0 le minimum?

P : Je dirais que c’est la tristesse et que c’est à 9.

Th propose au patient de poser le dos de sa main dans sa main à lui (ce qui va permettre d’externaliser la tâche et de contenir l’abréaction)

Th : La tâche noire est là dans la main comment ça réagit ? (+MO)

P : je ne sais pas, je ne suis pas connectée.

Le Thérapeute observe cependant qu’elle se met à respirer et que sa main s’est détendue.

(Il a les informations mais il va vérifier)

Th : Je vous propose de porter toute votre attention sur la manière dont vos poumons respirent, là, maintenant (+ MO)

P : Je sens une petite brûlure (action)

Elle désigne en même temps la base de sa poitrine.

Th : Très bien, portez votre attention sur cette petite brûlure (+ MO)…qu’est ce qui vient de différent ?

P prend une inspiration suivie d’une expiration.

Th : Très bien (+MO)

(Il y a une réponse corporelle, on valide, on ne pose pas de questions car elle ne peut pas être dans le verbal, là)

Th : Portez votre attention sur cet air qui rentre et qui sort de vos poumons (+ MO)

(On est sur l’action de brûler, on va observer les effets)

Th : comment ça réagit ?

P : Je sens de la légèreté (+MO)

La main se décolle.

Th : Où cette main va se diriger? (+MO)

(On ne sait pas si c’est un ancrage ou un geste d’ouverture, c’est-à-dire soit attachement soit autonomie car en psychosomatique, ça peut partir dans une direction ou l’autre)

La main de P part dans l’espace et se pose sur les poumons. Le Th se tait et continue les MO pendant la lévitation pour appuyer le processus.

Th : Portez votre attention sur le contact entre cette main et ces poumons (+MO)

(A ce stade, ce n’est pas « ta main et tes poumons », pour amplifier la transe dans l’expérience corporelle et non pas dans l’identité. Le Thérapeute ne s’adresse pas à la personne mais à l’interaction entre elle et ses poumons)

P descend en avant. Th l’accompagne en faisant du taping avec ses mains sur les genoux de P puis sur ses épaules, jusqu’à ce qu’elle descende naturellement jusqu’au sol, sans forcer (le taping, équivalent des MO quand les yeux du P sont fermés, est très important pour approfondir la transe, c’est comme si le Th allait toucher l’âme de la personne, il accompagne le corps de P dans son mouvement naturel en transe)

Le corps de P est allongé au sol.

Th : Ce corps est maintenant comme celui d’un fœtus (+ taping sur épaule et hanche, sur les articulations)

Le Th s’adresse au corps, pas à la personne, et regarde donc le corps, il fait un taping en visualisant que la vie est en train de circuler dans le corps.

Th : Ton attention va se porter sur ce qu’il y a de plus vivant dans ce corps (+taping) (ébauche de relation au corps vivant)


P respire (+taping ) (c’est comme de la réanimation)

Th : Le sol se met en contact avec ce corps, l’enveloppe (+taping)(relation au monde)

Th : Et le sol est de plus en plus soutenant pour ce corps (+MO en continuant à visualiser que le sol se met en contact avec le corps et même l’enveloppe)

P se met à bouger et se met sur le côté.

Th : Nous allons demander à toutes les personnes qui peuvent venir se mettre en lien avec ce corps de se mettre là maintenant en lien avec ce corps (le Th envoie l’injonction avec une voix affirmée, comme un souffle de vie envoyé vers le P + séquences de MO) (relation à l’autre)

Le Th fait du taping avec ses mains sur les épaules du P et se met aussi en lien avec sa respiration et les personnes (pour poursuivre le travail de corps à corps et pour que les corps du P et du Th soient dans la même bulle, dans une expérience d’unité, comme une danse)

Th : Qu’est ce qui vient ?

P : Je me sens bien, j’ai de la chaleur dans les mains, ça circule.

Th : Qu’est-ce qui circule dans ton corps (définir le « ça »)

P : La vie.

Th : Observe cette vie qui circule dans tout ton corps (+taping) (diffusion et généralisation)

P reste couchée (besoin d’autorisation)

Th : Qui va venir, là, maintenant donner l’autorisation à ce corps de vivre pleinement dans la vie ? (+taping) (tiers autorisant)

P : Personne (indication, comme quoi la question du Thérapeute est trop précoce, il fait encore rester au niveau de la vie qui circule)

Th : Qui va venir là, maintenant, donner l’autorisation à la vie de circuler dans ce corps ? (+taping)

Th réitère : Observons qui va venir donner l’autorisation à la vie à circuler pleinement dans ton corps ? (+taping)

P : C’est flou

Th : Observe (en Psychosomatique c’est toujours dans l’espace ressource que le problème va être traité)

P : Je vois le magicien (tiers spirituel indifférencié, forme symbolique qui permet le passage de l’espace problème à l’espace ressource et qui va ainsi permettre que la vie prenne forme)

Th : Comment ça réagit ?

P : J’ai des frissons (la vie)

Th : Quel mouvement est dans ton corps ? (la vie= action) (+taping)

P : Mes mâchoires claquent (+ taping)

Th : Quand ces mâchoires claquent, qu’est-ce qu’elles cherchent à exprimer ? (+taping)

(On cherche l’intention de l’action)

P : Bordel de merde.

Th continue le taping (Th laisse venir, c’est encore trop mentalisé)

Le corps de P se met en tension.

P : Quelque chose veut sortir et ne sort pas.

Th : Qui vient et qui empêche quelque chose de sortir ? (Tiers qui empêche) (+taping)

Les mains de P se soulèvent.

P : Je vois mon grand-père (ce qui engage dans un travail de deuil… le grand-père est une personne décédée)

Th : Observe ce que fait ton grand-père(sous-entendu : qui empêche) (+taping)

P : Il est figé, tout droit, les bras le long du corps et son visage est figé (expression comportementale de la problématique qui habite le grand-père et qui l’empêche dans un premier temps d’être un tiers soutien) (+taping)

P pleure.

P : J’ai de la tristesse de le voir figé comme ça (+taping) (expression émotionnelle en lien avec la problématique qui habite le grand-père)

P pleure de plus en plus.

Th : Observe ce qui vient se mettre en lien avec cette tristesse ? (+taping) (l’attention de P est focalisée sur la tristesse chez elle. L’espace tristesse est un espace ressource parce qu’il contient la vie. Mais dans un premier temps, il ne peut pas être partagé avec le grand-père, car on est dans un scénario dissociatif : elle est dans la tristesse quand son grand-père est dans le figé. Le grand-père et elle, ne pourront partager un espace ressource que lorsqu’elle aura accès à la tristesse de son grand-père. Il ne peut pas l’exprimer tant que la problématique liée à la réponse figée n’a pas pris forme afin d’être traitée)

P met ses mains sur ses poumons et ça respire (c’est dans l’interaction entre elle et ses poumons que le lien se fait, entre la partie saine en elle qui vient en soutien de la partie en souffrance)

Th : Ton grand-père est là, quel message il a pour toi ? (+taping)

P : Rien (c’était trop tôt car la problématique qui entretient la dissociation n’est toujours pas traitée, le soutien n’a pas permis de se mettre en lien avec le message du grand-père, c’est resté une tentative de sécurisation)

Th : Observons ce qui se passe entre ton grand-père et toi ? Le Th met la main en écran devant pour trianguler (on travaille alors sur les interactions pour lever le ou les obstacles) (+taping)

P : Un champ de bataille (+taping) (forme que prend la problématique et qui triangule entre P et grand-père)

Th : Comment ça réagit ?

P : Bizarrement, ça va mieux que tout à l’heure (+taping) (on est sur la métaphorisation du monde transgénérationnel qui lui fait rejoindre son grand-père, le comprendre dans le sens de « prendre avec » et ainsi de permettre, face à ce champ de bataille que la tristesse devienne une expérience émotionnelle partagée)

Th : Et là ?

P : J’ai des tremblements.

Th : Si ces tremblements se transforment en geste là, maintenant ? (+taping) (les tremblements indiquent un mouvement empêché)

P : C’est comme si il demandait qu’on le sorte de là.

Une main de P se lève (+taping)

Th : Quelle main va venir prendre la tienne (+taping) (métaphore agie du soutien possible)

Son autre main rejoint sa main levée.

P se relève, se met assise et pleure (c’est le moment de l’intégration de l’expérience de tristesse partagée avec le grand-père. Les pleurs le manifestent, ils apaisent là où, avant, c’était des pleurs qui exprimaient la souffrance)

Th : Qu’est-ce que tu vas pouvoir donner comme autorisation à tes poumons pour que tes poumons et toi ne fassent qu’un? (on retricote l’unité corps/esprit à la fin du travail en psychosomatique)

P : M’aimer.

Th : C’est une expérience que tu as déjà faite ou bien tu l’imagines ? (on met en lien avec une expérience vécue pour renforcer l’expérience ressource)

P : C’est une expérience.

Th : Qu’est-ce qui vient (+MO)

P : Quand j’allaitais.

Th : Observe tes enfants, ils sont là devant toi, quel message ils expriment ? (transmission : les enfants valident que le travail qui devait être fait est bien fait, ils font office de tiers spirituels dans l’espace ressource) (+MO)

P : On peut vivre sans toi.

Th : Comment ça réagit ?

P : L’apaisement (la transmission est faite)

Th fait focaliser sur cet apaisement (+MO)

Th : Observe toutes les personnes qui viennent se mettre en lien avec cet apaisement (+MO) (tiers communautaire pour élargir l’expérience à la communauté, que ça ne reste pas qu’une expérience singulière)

Th : Qu’est-ce que tu te vois faire là, maintenant avec cette expérience ? (+MO rapides et larges)(orientation vers le futur)

P : Sourire.

P sourit (la tâche est faite!)

Th : Avec ce sourire, est-ce que tu es prête là, maintenant, à te lever ?

P se lève.

Suite à cette démonstration, après une séance complémentaire, l’asthme a cessé de s’inviter chez cette patiente.

Nous avons l’habitude, lorsque nous travaillons au plus près de cette pratique de constater que ce travail est fluide et écologique car respectueux à la fois du patient et du thérapeute (puisqu’il peut externaliser des informations qui bloquent chez lui, qu’elles soient corporelles imaginaires ou mentales, même si le TH n’a pas eu besoin de le faire dans cette démonstration). Au final, il parait très simple ! Mais nous savons tous que le simple est ce qui est le plus difficile à acquérir ! Le thérapeute va devoir se positionner dans une posture de décentration, de laquelle il va observer ce qui vient. Il va suivre systématiquement le processus qui se déroule et qui, je le rappelle, est premier dans cette façon de travailler.

Pour ma part, le développement de cette pratique m’a apportée une nouvelle aisance, particulièrement avec des personnes amenant des problématiques ancrées depuis longtemps dans leur histoire, des traumas multiples et complexes, des problématiques transgénérationnelles… Or cela bloque dans une thérapie lorsqu’il n’est pas facile de puiser dans les ressources du patient pour lever les obstacles. Quand une personne est trop engluée dans son histoire dans lequelle elle a dû s’adapter de diverses manières, nous avons besoin de pratiques qui réaccordent le mental avec le corps en un tout intégré, en lien avec le monde physique, la relation humaine, et le monde des représentations.

Mady Faucoup Gatineaupsychothérapeute

 Mis en ligne le 20/03/2019