L’HTSMA en théorie et en pratique.

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Régine Picamoles, Psychologue clinicienne, Psychothérapeute, Centre de Consultation de la Madeleine

Illustration clinique pour des troubles psychotraumatiques.

Cette psychothérapie a été conceptualisée par le Dr Éric BARDOT, à partir d’une clinique modélisée sur un mode relationnel et interactionnel. Partant du constat que ses symptômes (troubles psychotraumatiques, anxieux, phobiques, dépressifs, addictifs, psychosomatiques, douloureux…) sont des tentatives de solution dysfonctionnelles à des problèmes, l’objectif en HTSMA est de réactiver chez le patient une dynamique de mouvement à partir de problèmes repérés et traités ensemble.

L’HTSMA s’attache à remettre en chantier les problématiques relationnelles figées et à travailler les processus d’attachement et de séparation. Pour ce faire, le thérapeute active un accordage relationnel le plus juste possible et utilise les stratégies les plus pertinentes à la situation ici présente: différents éléments de l’EMDR, de l’hypnose éricksonienne et des thérapies stratégiques (Palo Alto, thérapies brèves orientées solutions, thérapies narratives)….

En pratique

Le thérapeute utilise divers « outils », dont les Mouvements Alternatifs (MA), pour activer une expérience de changement chez le patient. Le thérapeute les effectue de chaque côté du corps du patient (patient suivant des yeux la main du thérapeute se déplaçant de droite à gauche devant lui, tapes alternatives sur ses genoux…). Cette stimulation bilatérale induit en général une relaxation physiologique.

Sur le plan neurophysiologique l’activation alternée des hémisphères cérébraux permettrait de traiter différemment les informations parvenant au cerveau. Autre hypothèse, les MA, répétés et pratiqués sur des temps courts, provoquent comme une « hypnose fractionnée » qui permet de « débrancher » avec la manière habituelle d’être, de penser et de faire. Le sujet va vivre au présent une expérience corporelle qui l’engage dans son entier (sensoriel, émotionnel, comportemental, cognitif) dans sa relation à lui-même, aux autres et au monde.

Cela différencie les psychothérapies intégratives des psychothérapies verbales, en particulier dans les traumas: en effet, le seul discours sur le trauma réactive souvent la boucle traumatique, le trauma ayant provoqué des encodages sous des formes sensorielles plus que cognitives.

Thérapeute et patient vont « s’accorder » dans une construction commune basée sur l’accueil de ce qui se passe là, maintenant, à partir d’un problème « externalisé », c’est-à-dire représenté par le sujet à l’extérieur de lui (par ex. projeté sur un écran imaginaire). L’imagerie mentale l’aide à entrer en contact avec ce dont il souffre et à le décrire, tout en contournant les représentations trop cognitives qui risquent d’établir une trop grande distance avec son expérience émotionnelle et sensorielle.

Le travail s’effectue à partir d’une scène choisie, ou seulement d’un détail, pour éviter les abréactions majeures (par ex. un détail de la voiture qui a foncé sur le patient lors d’un accident). On demande au patient quels sont les effets sur lui de la vision de cette scène: l’émotion, les sensations corporelles et les pensées et croyances négatives sur lui en lien avec cette scène. Dans l’exemple cité plus haut, cela peut être une angoisse extrême, le ventre noué et « je vais mourir ».

On lui demande ensuite de focaliser sur ces 4 composantes (scène, émotion, localisation corporelle et croyance négative), puis le thérapeute débute les MA. Les sensations corporelles, le vécu sensoriel, les images et les pensées évoluent rapidement vers des vécus et des pensées différents. Les émotions paralysantes s’éteignent. Dans l’échange verbal suivant chaque séquence, le patient rapporte « ce qui lui est venu ». Le thérapeute l’invite à focaliser dessus et reprend l’alternance MA/échange verbal jusqu’à ce qu’un changement significatif se produise.

Le sujet va ainsi pouvoir sortir de situations figées et se remettre en mouvement. La thérapie va s’appuyer dessus pour l’amplifier en terme de changement, à l’aide de MA, mais aussi de pratiques issues des thérapies brèves et de l’hypnose: prescription de tâches, recadrages, métaphores, ancrage dans le corps par des gestes idéomoteurs.

L’HTSMA se caractérise aussi par une dynamique sujet-thérapeute très interactive et une intersubjectivité très fine. Le thérapeute, très présent, renforce l’empathie et l’accordage affectif avec son patient en étant attentif à l’effet des MA sur lui-même. De plus, dans la communication hypnotique tout se passe comme si « la frontière entre soi et l’autre s’estompait » (Thierry MELCHIOR).

L’ajustement très fluide, comme dans une danse, contribue à partager un moment privilégié « d’être avec », ce qui renforce la base sécure du patient. Dans cet espace de sécurité avec un climat affectif étayant, une co-construction originale s’effectue, s »appuyant sur la créativité et les ressources des deux. Elle permet au sujet de remettre en jeu sa vision des problèmes et de sa vie, et de découvrir une nouvelle perception de sa réalité, favorisant ainsi des modes relationnels mieux adaptés.

Illustration clinique : une séance de thérapie et ses effets

Melle T. subit du harcèlement moral de la part de son compagnon. Ce vécu est aggravé par le suicide de son père il y a 6 mois, c’est elle qui l’a découvert avec la moitié du visage en moins et l’oeil qui pendait. Dix mn avant la fin de la troisième séance, je la sens très mal, dans un vécu très traumatique, alors que le reste de l’entretien se passait dans une dynamique positive. Je lui propose de poursuivre en utilisant les mouvements oculaires (MO) dans une séquence que j’annonce courte, pour l’aider à mieux faire face à ces images traumatiques.

Choix osé devant le peu de temps à ma disposition; de plus nous n’avions jamais travaillé ainsi, mais je sentais que c’était possible car elle s’était montrée très réactive à l’hypnose au RV précédent. Elle accepte et place spontanément sur l’écran de ma main la moitié du visage abîmé; elle zoome sur l’oeil qui pend, le comble de l’horreur. Elle est très mal, 10/10 évalue-t-elle, sa respiration se bloque comme si elle étouffait, c’est la colère qui domine.

Je démarre immédiatement les MO. Une ou deux séquences plus loin la respiration devient plus ample, et une image s’impose à elle: celle de son père sur la plage, alors qu’elle était enfant, avec un walkman et les écouteurs sur la tête, la tête tournée et le visage déformé, un peu comme son visage quand elle l’a trouvé mort. Elle rit car c’est un bon souvenir, son père a un peu une tête de clown. MO pour ancrer, elle se détend encore. Je fais revenir l’image de départ, elle me dit de suite « c’est drôle, à la place de la moitié manquante c’est cette image qui vient, ça s’étend à tout son visage ». Elle sourit. Apaisement.

Ancrage rapide par MO. Elle éprouve le besoin de me montrer quelques photos d’identité de lui jeune. Nous les regardons ensemble rapidement, c’est congruent car elle a débuté la séance en me disant qu’elle avait revu récemment en famille des photos de son père et que cela lui avait fait du bien…L’ensemble de la séquence avec les MO a duré 1/4 h… A l’entretien suivant: elle va beaucoup mieux, les images ne sont pas réapparues. Le travail continue sur sa problématique de couple et sur le deuil difficile de son père.

Pour conclure

Difficile de comparer cette pratique originale, un peu déconcertante au départ, avec une thérapie « classique », verbale ou corporelle. Difficile de la décrire en une page dans toute sa complexité et sa richesse… Mais si la pertinence de la thérapie s’évalue à partir de ce qui change chez le sujet dans son quotidien et de ce qu’il peut dire de sa vie, à coup sûr l’HTSMA est une pratique « efficace ». Pour l’avoir vécu moi-même c’est vraiment, à mon avis, parce que le sujet vit une expérience « entière » engageant toutes les dimensions de son être que le changement s’opère si radicalement.

C’est aussi parce que le thérapeute s’engage pleinement dans cette « bulle à deux ». Entrer dans le monde de l’HTSMA, c’est remettre en question de manière significative sa pratique de la psychothérapie et s’autoriser à être dans des formes d’interactions corporelles, émotionnelles, etc. Le jeu en vaut la chandelle: le thérapeute gagne en créativité et voit ses patients s’incarner, devenir plus vivants… et aller mieux!

Régine PICAMOLES, Psychologue clinicienne, Psychothérapeute, Centre de Consultation de la Madeleine
Mis en ligne le 31/08/2017